Gestion en anglais à l’UQAM: gestation de notre disparition?
1 septembre 2009

La décision de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) d’imposer six cours de gestion uniquement en anglais dans le but de « doubler » sa clientèle ne viole pas seulement la convention collective des professeurs, stipulant que la langue de travail doit être le français, mais elle détruit la mission d’intégration de l’université. Sous prétexte d’aller chercher quelques étudiants supplémentaires, on s’attaque aux fondements de ce que doit être l’université en tant que protectrice de la culture et de l’éducation d’un peuple.

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Or, quel est l’argument-massue des anglophiles de ce monde? « L’anglais constitue la langue des affaires ». Sous prétexte que l’anglais est une des langues dominantes sur la planète, il faudrait s’angliciser et l’utiliser comme d’autres ont utilisé le latin il y a deux mille ans, dixit Simon Durivage à Radio-Canada ce matin.

Pourtant, comme l’explique Josée Legault sur son blogue, l’anglais n’est pas la seule langue utilisée: « […] Même dans le domaine des « affaires », le français, l’allemand, voire le mandarin, ne serait-ce que par sa seule force du nombre et la montée fulgurante de l’économie chinoise, y sont aussi utiles et… utilisés. » Ne devrait-on pas également enseigner ces langues? Tiens, pourquoi pas un cours en portugais, un en russe, un en hindi et un en mandarin? Ne sont-ce pas là les prochaines puissances économiques mondiales, le BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine)?

On le constate, il n’y a pas une seule langue mondiale, mais une pluralité de langues pour une multitude de cultures différentes. Dans trente ans, le mandarin pourrait bien être la seule langue mondiale dominante; doit-on l’imposer dans les cours de gestion pour autant? À ce que je sache, des cours de langue existent déjà; ne devrait-on pas laisser les étudiants libres de la langue qu’ils désirent apprendre? Et considérant que la plupart des diplômés travailleront au Québec, ne devrait-on pas plutôt leur apprendre à travailler en français?

Certains diront: « ce ne sont que quelques cours! ». Mais à partir du moment où on considère le français comme un obstacle et un désavantage compétitif, pourquoi se limiterait-on à six cours de gestion? La littérature en psychologie se fait largement en anglais; offrons des cours en anglais! La recherche mathématique aussi; anglicisons! Et les arts, et la philosophie, et l’ingénierie, et la politique et l’histoire et la pédagogie et l’architecture et la chimie et la médecine et le droit. Où s’arrête-t-on? Si on considère le français comme un obstacle plutôt qu’une richesse et un héritage à défendre, c’est tout le réseau d’éducation qu’on doit angliciser. Bien pire, c’est le Québec qu’on doit épurer de son français, ce formidable frein à notre réussite. Tuons ce que nous sommes pour réussir!

Et puis, oublie-t-on qu’une des missions fondatrices de l’UQAM est de permettre l’élévation sociale et intellectuelle des francophones? Comme le souligne Michel Laporte, premier vice-président du Syndicat des professeurs de l’UQAM, si on offre des cours en anglais dans un but purement clientéliste, « on manque à notre mission ». On espère chiper quelques étudiants aux universités anglophones de Montréal, mais la véritable conséquence représente une baisse de l’attrait du français en tant que langue commune et une augmentation du pouvoir intellectuel de l’anglais à Montréal.

La ministre Courchesne, elle, répond que ces cours en anglais feraient preuve d’une « ouverture sur le monde » et qu’il n’y aurait pas de problème avec cette anglicisation puisque McGill offre quelques cours en français. Cette façon de mettre sur un même pied une langue aussi majoritaire et impératrice que l’anglais avec une culture francophone ne représentant que 2% de l’Amérique du Nord peut-il conduire à un autre résultat que l’assimilation? Ce n’est pas parce que McGill offre quelques cours en français que l’UQAM devrait pouvoir faire de même en anglais. Ne devrait-on pas plutôt exiger que McGill donne tous ses cours en français? Ceux qui veulent apprendre une langue étrangère peuvent toujours suivre des cours de langue, non? Laissons-les libres de choisir leur langue seconde, dans un contexte où la langue principale, la langue commune est et doit demeurer le français.

De la même manière, ouverture sur le monde ne veut pas plus dire renier ce que nous sommes que liberté de conduire doit signifier le droit de passer sur les feux rouges. Tout est question de respect de soi et d’autrui. Le français est menacé et ce n’est pas en ouvrant la porte du poulailler au renard que la poule faire preuve d’une grande « ouverture sur le monde ».

En fait, en s’adressant aux étudiants étrangers en anglais et en lançant le message qu’il ne peut être possible d’atteindre les plus hauts échelons sociaux dans notre langue, on contribue à dévaloriser encore davantage le statut du français au Québec et à le réduire au rang de folklore un peu honteux indigne de former l’élite de demain. À l’opposé d’une époque où on réclamait notre émancipation culturelle et linguistique, on semble avoir abandonné non seulement nos rêves de survie en tant que peuple, mais également jusqu’à notre fierté d’avoir une université francophone de qualité en tant que porte-étendard de la culture québécoise en Amérique du Nord.

Au lieu d’imposer une langue étrangère dans les cours de gestion, si on y enseignant un peu d’histoire et de politique, afin de faire prendre conscience à ces jeunes qu’il y a d’autres valeurs dans la vie que la réussite personnelle se construisant sur les ruines des idéaux de leurs ancêtres?

Quand le Parti Québécois désire angliciser le Québec
25 novembre 2008

speak_quebec_anglicisationCe ne doit plus être un secret pour personne: je travaille à Ville Saint-Laurent, un des quartiers les plus multi-ethniques de Montréal, où près de 49% de la population a une langue maternelle autre que le français ou l’anglais et où une grande proportion de ces immigrants ou fils et filles d’immigrants s’intègrent vers l’anglais. Je connais cette réalité d’immigrants qui sont ici depuis deux, cinq, dix ou vingt ans et qui ne parlent pas un mot en français. En fait, oui, ils savent souvent dire « bonjour » ou « merci » mais ils n’ont pas besoin de le faire: un petit Québécois mou s’empresse de les servir en anglais et leur enlève ainsi toute nécessité d’apprendre notre langue.

Pourtant, il existe des solutions pour faire face à cette vague d’anglicisation qui touche non seulement les immigrants, mais également des Québécois francophones qui sont fiers de délaisser leur langue – une langue qu’ils maîtrisent souvent mal – pour servir des clients qui, parfois, ne demanderaient qu’à ce qu’on les laisse essayer de parler français. Sauf que pour que les solutions soient efficaces, elles doivent être concertées, cohérentes. Elles doivent appuyer mon combat (et celui de nombre de mes collègues) consistant à ne parler que le français au travail, à refuser de servir les clients dans une langue étrangère, que ce soit le mandarin, l’allemand, le russe ou l’anglais. Elles doivent valoriser la fierté de la langue de Molière et ainsi faire de notre langue commune un véritable phare, une lumière vers laquelle les immigrants doivent se tourner s’ils espèrent être compris et pouvoir fonctionner au Québec. Elles doivent être le ciment sur lequel repose la maison que nous essayons de construire.

En effet, ce n’est pas seulement un travail que j’occupe, tout comme je ne suis pas qu’un automobiliste sur la route ou un simple client quand je vais chez IGA. Je suis plus que ça. Je représente quelque chose. Je prends la décision de parler français, d’être prudent sur la route ou d’être courtois à l’épicerie en partant de la conviction suivante: si tout le monde faisait ainsi, le monde irait beaucoup mieux. Tout ceci relève de cette certitude: j’ai du pouvoir, je contrôle ma vie, et je peux être un exemple pour d’autres. Je peux, de par mes maigres actions, avoir une influence sur les autres. Et c’est exactement ce que je fais au travail. Me croiriez-vous si je vous disais que 95% des clients qui m’abordent en anglais vont immédiatement changer pour le français quand je leur réponds en français? Que même ceux qui me disent « je parle très peu la française (sic) » sont très bien capables de se faire comprendre quand on les encourage un peu, qu’on fait montre de patience et qu’on les aide un peu, par des gestes, par une reformulation à propos, etc? Me croiriez-vous si je vous disais que devant les succès de ma façon de travailler quelques-uns de mes collègues ont commencé à faire pareil? Me croiriez-vous si je vous disais que certains immigrants commencent à me dire « merci », « bonne soirée » alors qu’ils ne savaient pas dire un mot de français auparavant?

Me croiriez-vous si je vous disais que je suis un simple citoyen travaillant dans sa langue dans son pays?

C’est cette réalité qu’on est en train de perdre. Alors que les actions des milliers de Québécois fiers comme moi et qui travaillent à la francisation des immigrants mériteraient d’être appuyées, on lance plutôt des signaux contradictoires. Même le Parti Québécois a décidé de se faire champion de l’applaventrisme devant la langue de Shakespeare.

Évidemment, comment passer sous silence l’empressement de Pauline Marois à mieux parler anglais? À vrai dire, il s’agissait d’une événement épisodique. Ce qui l’est moins, c’est de constater à quel point il semble plus important d’avoir un chef de parti qui nous représente qui parle une langue étrangère, mais d’un autre côté ça ne nous dérange pas trop d’avoir un capitaine de notre club de hockey qui n’est pas capable de dire deux mots dans notre langue. Nous avons placé l’apprentissage de la langue étrangère au-dessus de la maîtrise de notre propre langue. Mais tout ceci est anecdotique.

Ce qui me révulse violemment chez le Parti Québécois de Pauline Marois, c’est son désir d’imposer l’apprentissage de l’anglais intensif au primaire, notamment en enseignant les mathématiques et la géographie en anglais. Encore une fois, quel message lance-t-on à ces jeunes enfants? Celui-ci: « l’anglais est primordial; tu ne sais pas encore écrire un paragraphe dans ta langue maternelle sans faire dix fautes d’orthographe, mais vite, on doit t’apprendre l’anglais! »   « Tu as un vocabulaire déficient, tu ne connais rien à la littérature, tu es incapable d’utiliser des mots légèrement complexes, mais vite, on doit t’apprendre l’anglais! » Et que deviendront ces enfants dix ans plus tard? Ils seront devenus exactement ce à quoi je m’oppose: des Québécois mêlés, à l’identité culturelle confuse, empressés de parler anglais aux immigrants, et qui, de par leurs actions, annihilent les projets d’intégration des milliers de Québécois comme moi qui ont à coeur leur langue.

Il me semble qu’il serait beaucoup plus important d’apprendre le français correctement à nos jeunes avant de leur permettre l’apprentissage d’une langue étrangère, que ce soit l’espagnol, le mandarin ou l’anglais. Quand je lis ce qu’écrivent certains de mes collègues « bilingues », je n’en reviens pas. J’ai déjà comptabilisé vingt-deux fautes d’orthographe en quatre phrases.

La vérité, c’est qu’il faut choisir ses priorités. Collectivement, désirons-nous intégrer les immigrants vers le français ou intégrer les Québécois vers l’anglais? C’est ça, la vraie question. Le bilinguisme chez l’élite, personne n’est contre. Mais quand on impose le bilinguisme à tous les enfants du Québec et qu’on demande de bien connaître une langue étrangère à un enfant dont le but dans la vie est peut-être d’être mécanicien ou coiffeur, on incite à l’anglicisation de l’ensemble du Québec. Car c’est bien connu, un peuple minoritaire bilingue est un peuple qui s’assimile.

Ce que fait le Parti Québécois, en ce moment, c’est ajouter au problème au lieu de le régler. Le problème n’est pas que les Québécois ne sont pas assez bilingues; le problème est justement que trop d’emplois exigent le bilinguisme. Le PQ devrait travailler à ce que les plus hauts échelons de la société soient disponibles pour les francophones au lieu de vouloir que l’éboueur de Saint-Calixte sache parler anglais. Le Parti Québécois devrait proposer l’apprentissage intensif du français au primaire pour aider à mieux ancrer l’identité de nos jeunes dans la langue française au lieu de leur offrir une alternative vers l’anglais dans un monde où la culture anglophone est déjà une force de prédation.  Sinon, si vraiment le but est d’offrir un maximum de « chances » aux Québécois dans un monde qu’on considère anglophile, autant tout enseigner en anglais, et à partir du préscolaire, et pourquoi pas saborder la loi 101 en passant?  Soyons cohérents!

Voilà donc une raison supplémentaire pourquoi ne ne voterai pas pour le Parti Québécois. Je travaille chaque jour à la francisation des immigrants, mais si le Parti Québécois prenait le pouvoir et imposait l’apprentissage intensif de l’anglais, mon combat deviendrait une cause perdue. Au lieu de lancer des messages confus et contradictoires, du style « nous voulons intégrer les immigrants vers le français » tout en imposant l’anglais au primaire, il faudrait plutôt que le message soit clair et que nous parlions d’une même voix: au Québec, ça se passe en français, ou bien vous apprenez le français, ou bien personne ne va vous comprendre et vous ne pourrez pas fonctionner.

Et pour ce faire, il faut lutter contre le pire ennemi de notre cause: le bilinguisme, cette anglicisation forcée que le Parti Québécois espère imposer à nos jeunes au lieu de leur apprendre la richesse de notre langue et la fierté de la parler. Quand tout est une question de message, lançons-en un cohérent, appuyé, et clair: au Québec, c’est en français que ça se passe, et nous travaillons à ce qu’il soit possible de travailler dans notre langue partout sur notre territoire. C’est bien beau de « vouloir » franciser les immigrants, mais ça doit commencer par des actions concrètes pour faire rayonner le français partout et donner le goût à la prochaine génération de ne pas être aussi soumise et passive que la nôtre devant cette dépossession tranquille qui afflige notre culture et notre langue.

Aujourd’hui, nous avons encore le choix.  Mais dans vingt ans?